Non mais allô quoi ? T’es Prix Nobel et tu assassines…

Article : Non mais allô quoi ? T’es Prix Nobel et tu assassines…
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11 novembre 2013

Non mais allô quoi ? T’es Prix Nobel et tu assassines…

Si vous cherchez des photos de Nabila sur Internet, vous risquez de tomber sur Nabila Benattia, la jeune et célèbre franco-suissesse de 21 ans qui va peut-être me demander des droits d’utilisation du titre du jour. Mais depuis quand le langage est-il brevetable ? Est-ce que j’ai demandé des droits d’auteur à Canal+ pour avoir intitulé une série Bref  ?

Bref…

Désolé pour les amateurs de télé-réalité – qui peuvent toujours s’instruire – il s’agit ici d’une autre réalité. Et d’une autre Nabila.

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Le 29 octobre dernier, la jeune Pakistanaise Nabila (9 ans) était invitée au Congrès étasunien, avec son père Rafiq ur Rehman et son grand frère Zubir (13 ans), par le député démocrate Alan Grayson et le réalisateur Robert Greenwald, auteur d’un tout récent documentaire sur les drones, Unmanned.

Aux parlementaires venus les écouter, Nabila a juste montré ses dessins d’enfant, au ciel peuplé de drones qui rôdent. Ces objets volants qui la hantent depuis un an, quand le 24 octobre 2012, sa grand-mère, Momina Bibi (67 ans) a été assassinée par un missile envoyé par un drone alors qu’elle récoltait des légumes dans son jardin.

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“Il faisait très sombre, on ne voyait rien. J’ai entendu un cri, je pense que c’était ma grand-mère, mais je ne la voyais pas.”

Elle ne l’a plus revue…

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“On aurait dit qu’elle avait explosé en morceaux”, s’est souvenu son frère Zubir.

Rafiq ur Rehman, le père des deux enfants blessés lors de l’attaque, a aussi raconté par le truchement d’un interprète qui a dû s’interrompre à un moment pour ravaler ses larmes :

“Personne ne m’a jamais dit pourquoi ma mère a été tuée ce jour-là. Certains journalistes ont dit que l’attaque visait une voiture, mais il n’y a pas de route à côté de la maison de ma mère. D’autres ont dit qu’elle visait une maison. Mais les missiles ont frappé un champ voisin, pas une maison. Tous ont indiqué que trois, quatre ou cinq militants avaient été tués. Mais une seule personne est morte ce jour-là : ma mère ! ”

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“En ourdou, nous avons un dicton : ‘aik lari main pro kay rakhna’. Littéralement, cela désigne la chaîne qui tient les perles ensemble. C’est ce que ma mère était ; elle était la chaîne qui maintenait notre famille unie. Depuis sa mort, la chaîne a été brisée et la vie n’est plus la même. Nous nous sentons seuls et perdus.”

“Comme enseignant, mon travail consiste à éduquer Mais comment puis-je enseigner une chose pareille ? Comment puis-je expliquer ce que je ne comprends pas moi-même ? Comment puis-je en toute bonne foi rassurer les enfants que le drone ne reviendra pas pour les tuer eux aussi, si je ne comprends pas pourquoi il a tué ma mère et blessé mes enfants ?”

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“J’invite le président Obama à rencontrer cette famille et à lui expliquer pourquoi leur grand-mère est morte”, a lancé aux membres du Congrès Mustafa Qadri, chercheur au Pakistan pour Amnesty International, qui vient de publier un rapport édifiant, illustré par une photo de Nabila en couverture au-dessus de ce titre : Will I be next ? (Serai-je la prochaine ?) et selon lequel des centaines de civils pakistanais ont été tuées par plus de 300 tirs de drones américains depuis 2004.

Mais Nabila Rehman n’a pas été reçue à la Maison Blanche comme sa compatriote Malala Yousafzaï. Sans faire de manichéisme, on peut comprendre que Barack Obama ait une préférence pour les jeunes Pakistanaises qui ne dénoncent que les talibans.

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Monsieur le Président qui écoutez si volontiers les conversations du monde, si vous lisez ceci permettez-moi de juste vous demander comment vous pouvez-vous endormir le soir en pensant à la fois à votre prix Nobel de la Paix et à tous les homicides commis par vos armées au nom de la défense de votre pays. Et de ses valeurs…

Non, mais allô quoi ?

(photos : Jim Watson, Jason Reed, Evan Vucci)

On connaissait La Java des bombes atomiques par l’auteur du Déserteur (dont je me suis inspiré ci-dessus, sans droits d’auteur non plus…), voici le blues des Drones.

Le groupe australien The Drones (à ne pas confondre avec ses homonymes punk de Manchester) a commis en 2005 un album sobrement intitulé Wait Long By The River and the Bodies of Your Enemies Will Float By qui s’ouvre sur cette chanson, Shark Fin Blues, qu’un jury de 70 auteurs-compositeurs australiens a choisi comme meilleure chanson australienne. N’étant guère connaisseur du répertoire de cette partie du monde, je vous laisse juger par vous-même.

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Commentaires

josianekouagheu
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Tu as tout dit toi. Tu sais Barack Obama a eu le prix Nobel de la paix. Malheureusement, ses oeuvres sont vraiment désolantes. Son action n'est pas toujours en faveur de cette paix là. Je pense surtout que Nabila n'a vraiment pas besoin de ce prix!

nathyk
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Le plus grand des paradoxes !!!
C'est pire que désolant. Merci pour ce billet qui en vaut vraiment la peine.