À n’en savoir que dire

Article : À n’en savoir que dire
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21 avril 2015

À n’en savoir que dire

2015-01-22-la-valette

Regarder le monde, comme le sous-titre ce blougui. Et puis que dire ?

L’unique photographie du jour ne date pas d’hier ni de ce week-end. Elle a été prise le 22 janvier. Elle ne vient pas de Sicile ou de Lampedusa, mais de La Valette, à Malte.

Mais le drame qui se joue actuellement en Méditerranée ne date pas d’hier et ne concerne pas que les pays du sud de l’Europe. Ou ceux encore plus au sud, de l’autre côté de cette mer qui devient un vaste cimetière où sombre notre humanité.

Au moins 700 morts dans la nuit du samedi 18 à dimanche 19 avril 2015. Vingt-quatre heures plus tard, 400 à 450 naufragés… Combien de temps encore durera l’hécatombe ? Combien de désespérés entreprendront encore ce voyage insensé dans l’espoir d’une vie meilleure, d’une vie simplement ?

Hier soir, en regardant les images, en lisant les informations, les commentaires, je ne savais plus quoi dire, quoi penser.

Avec la tête qui est la mienne, où tout se télescope parfois à la vitesse de la lumière, j’ai pensé à l’assassinat de Kadhafi sans en mesurer les conséquences ni en assumer la suite, à mes amis africains* que l’Europe fait encore rêver, à cette Europe qui fait naufrage et qui paraît parfois flotter dans son époque comme pilotée par un Andreas Lubitz, qui avec ses 150 victimes représente une fraction des morts de la Méditerranée, aux impuissants qui nous gouvernent et nous renvoient à notre impuissance collective, aux terroristes animés d’une folie que je ne parviens ni à comprendre, ni à justifier, mais dont je perçois parfois les racines dans une violence plus insidieuse et plus ancienne, du mépris qui nous reste pour un continent pillé de ses richesses et encore colonisé, à toutes ces guerres alimentées par des appétits cyniques, à tous ces enfants pour lesquels il n’y aura pas de marche blanche et personne pour me dire “et si c’était tes gosses”, à notre indignation de janvier, si vite récupérée, et aux messages que je n’ai pas reçus me disant “ je suis … ”. Qui ?

À n’en savoir que dire… À en perdre la raison, comme le chantait ma mère au moment où elle devenait folle. Et comme je l’enviais hier d’avoir désormais perdu la mémoire du monde dans lequel il nous est donné de vivre.

Et je pouvais bien interrompre ce billet par une chanson, comme le faisait hier Le Figaro dans un de ces articles, coupé en son milieu par une publicité pour… Danone !

Ce billet que je ne sais conclure. Affligé des 10 mesures “d’urgence” décidées hier par le Conseil européen, où je discerne plus de contrôle que d’aide, et surtout aucune dénonciation des racines du mal.

“En tant qu’individus nous sommes souvent tentés d’être indifférents à la misère des autres. Nous sommes saturés de nouvelles et d’images bouleversantes qui nous racontent la souffrance humaine et nous sentons en même temps toute notre incapacité à intervenir. Que faire pour ne pas se laisser absorber par cette spirale de peur et d’impuissance ?”

Oui, que faire ?

Les mots qui précèdent sont extraits… du discours de Carême 2015 du pape François, que j’ai trouvé au hasard de mes lectures hier soir.

Alors, sans vraiment croire en la même chose ni avec la même conviction que cet homme respectable, j’en ai extrait la conclusion du jour, que j’ai juste à peine réécrite pour pouvoir me l’approprier :

“Nous pouvons aider par des gestes de charité, rejoignant aussi bien ceux qui sont proches que ceux qui sont loin […]. Pour montrer cet intérêt envers l’autre par un signe, même petit, mais concret, de notre participation à notre humanité commune.”

(photo : Darrin Zammit Lupi)

* Amis pour lesquels je suis sorti de mon silence ici, ajoutant pour eux cette note qui évitera à ce billet une censure pour “duplicate content”…

Et comme Ferrat ne suffisait pas à étancher ma soif de musique, je me suis offert quelques pas de danse avec les Songhoy Blues, exilés de Gao et de Tombouctou (où des imbéciles ont déclaré la musique illégale) et qui ont intitulé leur premier disque Music in exile.

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Commentaires

Lony Mugisha
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Waouh Merci beaucoup pour ce billet.
Il est réconfortant!

Rendodjo
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L'humain en l'homme est mort!

Richard
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Ravi de voir ton retour sur Mondoblog... Avec un billet toujours aussi fort et percutant qu'à l'habitude et un talent qui ne prend aucune ride.
Comme tu dis, à n'en savoir que dire !
Mais le pire encore : A n'en savoir que faire.

renaudoss
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Une pure tragédie, et qui n'est pas encore prête de s'arrêter... Quelque chose semble cassé dans la machinerie interne du monde, il ne tourne plus rond