JR (abcdetc)

Bonne nouvelle au pays de (bonne chance) Muhammadu

Nigeria-liberation

L’image est belle et la nouvelle est bonne : que demander de plus pour commencer une semaine où les sourires de l’actualité ne sont pas si nombreux, si l’on se désintéresse du sport et des histoires royales (ce qui témoigne à mon avis d’une volonté de voir la vie en rose, ce que je comprends tout à fait car à la longue cette saturation colorée doit être affligeante…)

L’armée nigériane a donc libéré près de 700 otages en moins d’une semaine dans la forêt de Sambisa, repaire de Boko Haram dans le nord-est du pays.

On pourra toujours objecter que ça ne représente qu’un tiers environ des 2000 femmes enlevées par la la secte islamiste dans le Nord-Est du pays depuis le début de l’année dernière, qu’il ne semble pas qu’il y ait parmi les otages libérées beaucoup des 219 lycéennes de Chibok qui avaient tant émues l’opinion internationale il y a presque un an tout juste, ou que pendant que l’armée nigériane remporte ce succès son homologue (et presque homonyme) nigérienne est en déroute à quelques centaines de kilomètres que cela.

Mais c’est vraiment refuser de voir les tâches de rose dans le paysage humain et laisser triompher, plus encore que les islamistes, un ennemi bien plus dangereux et insidieux : le pessimisme.

Bonne semaine donc, aux hommes de bonne volonté, aux femmes libérées et au nouveau président nigérian, Muhammadu Buhari, même si à cause de sa récente victoire sur Goodluck Jonathan mon titre du jour est carrément lourd…

(photo : Afolabi Sotunde)

Bon. Si le titre est bancal à cause du changement de président au Nigeria (ce qui n’est pas partout aussi évident ou facile en Afrique), le groupe du jour s’appelle bien Milky Chance. Merci à la lectrice qui m’a permis ce rattrapage.

Ils sont allemands, actuellement en tournée aux Etats-Unis et donc de passage sur abcdetc.


Du beau travail

Ceux qui suivent abcdetc depuis le début – ou sur son canal historique – connaissent peut être mon goût pour les valises.

Aussi, quand j’ai vu pour la première fois les voyageurs de bronze créés par Bruno Catalano, j’ai eu comme une impression de déjà vu, de familiarité, d’évidence. Vous savez, comme lorsqu’on rencontre une situation dont on se croit se souvenir sans vraiment l’avoir vécue. Il paraît que cette impression s’explique scientifiquement, m’expliquait il y a peu une commentatrice. Il y aurait même plusieurs hypothèses pour l’expliquer, ai-je vérifié en préparant ce billet. Mais, vous le savez peut être, à la rigueur scientifique, je préfère parfois les flottements de l’imagination.

Bref.

Comme je trouvais que leur transparence se décelait mieux sur un fond illustré que sur le simple blanc sur lequel ils apparaissent sur le site du sculpteur (et que j’avais un peu de temps dans ce 1er mai bien gris), j’ai emmené ces voyageurs se promener dans quelques photos d’actualité.

C’est ainsi que vous pourrez rencontrer le Voyageur de Milan (Viaggiatore di Milano) dans les rues de Baltimore, le Prince du désert devant un cordon de policiers à Séoul, Raphaël dans les arènes de Séville, les deux personnages de Que la route est longue sur la route du camp de Qarmeed en Syrie, Sylvie accompagnant les étudiants qui quittent leur campus après la fermeture de l’université de Bujumbura, Johnny sur un trottoir d’Istanbul, Mr Olingou dans les ruines de Katmandou et Aurélio aux côtés d’une jeune skateuse afghane (plus médiatisée que la pénurie qui guette le Programme alimentaire mondial dans son pays, m’a rappelé une autre commentatrice…)

Un regard croisé sur le monde en quelque sorte, entre une actualité qui se refuse à sourire (à part dans les arènes de Séville) et l’opiniâtreté artistique de quelques uns d’entre nous. Qui rendent ce monde tellement plus supportable.

Merci à eux.

(photos : Shannon Stapleton, Kim Hong-Ji, Marcelo del Pozo, Abdalghne Karoof,
Jerome Delay, Umit Bektas, Adnan Abidi, Skateistan
sculptures : Bruno Catalano)

L’actualité musicale d’hier, c’était la mort de Ben E. King, le créateur de l’inusable Stand by me qui a déjà fait l’objet d’une mosaïque souvenir que vous trouverez ici et que je me suis refusé à copier-coller.

Préférant vous offrir une chanson en rapport avec l’actualité (non musicale).

Je salue au passage le jeune Devin Allen, 26 ans, dont la couverture photo des émeutes de Baltimore, suite au meurtre de Fredie Gray le 19 avril dernier, a été remarquée par les internautes … et la rédaction du prestigieux Time.

We are sick & tired, écrit sobrement Devin Allen dans la légende qui accompagne cette photo de une sur son site Instagram.

Hard times in the city
In a hard town by the sea…

… chantait Randy Newman en 1977.

Baltimore, par :

  1. Randy Newman
  2. Nina Simone (et une autre galerie de photos, prises par Ty Waller à Baltimore, en 1969)
  3. El Cuero & Elvira Nikolaisen
  4. Lianne La Havas


Reposer en paix

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Une vingtaine de chefs d’État – dont le nôtre, François Hollande, et Vladimir Poutine – et quelques centaines de milliers d’anonymes participeront aujourd’hui à Erevan, aux côtés du président Serge Sarkissian, aux cérémonies marquant le 100e anniversaire du génocide arménien.

Mais c’est hier que s’est déroulé la cérémonie religieuse de canonisation des 1,5 millions de victimes, dans la cathédrale d’Etchmiadzin, à une vingtaine de kilomètres d’Erevan.

“Les âmes des victimes du génocide vont enfin trouver le repos éternel”, a sobrement déclaré, Vardoukhi Chanakian, l’un des fidèles présents.

100 ans pour se reposer, en paix, c’est long.

À un moment où certains ergotent encore sur le terme de génocide, avec ou sans guillemets, de massacre ou autre hécatombe, je souhaite également aux 1,5 millions nouveaux saints de trouver la paix.

Ainsi qu’aux millions de morts qui, depuis 100 ans et pour encore combien de siècles, auraient tellement préféré vivre en paix (aimer, travailler et… se reposer) que mourir, victimes des violences meurtrières qui agitent la planète.

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(photos : Karen Mynasian)

Si l’église arménienne œuvre pour le repos des âmes, System Of A Down entend les réveiller : #wakeupthesouls, proclament-ils en effet sur la page d’accueil de leur site Internet. Ça n’a pas empêché Serj Tankian, Daron Malakian, Shavo Odadjian, et John Dolmayan, d’être invité à se produire en concert hier soir à Erevan…

Pas forcément paisibles, mais visiblement pacifistes…


Naufragés ? Non, naufrageurs !

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Oh, non… Pas encore, me suis-je d’abord dit en voyant la première image du jour, de deux naufragés sur un radeau de fortune, avec une personne au premier plan, dans l’eau, accrochée à des ballons.

Des ballons ?

Puis j’ai donc vu les ballons, dans l’eau et sur le radeau, au mât duquel flottait un drapeau … suisse.

Il n’est pas possible que les Suisses traversent le lac Léman pour espérer trouver refuge en France !

Non, ce n’est pas possible. Et en lisant la légende (en anglais puisque j’ai trouvé l’image chez un confrère étasunien) j’ai donc compris qu’il s’agissait d’une mise en scène, organisée à l’occasion de la manifestation contre le Sommet mondial des matières premières (Financial Times Global Commodities Summit) qui se déroulait à Lausanne, au Beau-Rivage Palace, du 20 au 22 avril 2015.

Mardi 21 500 personnes ont donc défilé dans les rues de Lausanne pour dénoncer cette rencontre, la 4e du genre, qui réunissait sociétés de négoce, banques investisseurs et traders divers, venus discuter des défis de la spéculation sur les matières premières en période de crise : offre abondante, baisse des prix, ralentissement de la croissance mondiale, inflation, emprise chinoise sur le marché, etc.

Rien sur les déséquilibres Nord/Sud et le dérèglement climatique engendré par leur sale boulot de spéculateurs et d’affameurs, que dénonçaient la trentaine d’associations appelant à la contre-manifestation. Qui a réuni 500 personnes. Soit autant que les sociétés de négoce installées au bord du lac ! Et beaucoup moins que les 60 000 coureurs attendus samedi prochain pour les 20 km de Lausanne, avec en “guest star” la délégation éthiopienne.

Moralité ?

S’ils ne sont pas contents de leur sort et du pillage de leurs pays, plutôt que de compter sur la solidarité internationale, les Africains peuvent toujours … courir !

(photos : Fabrice Coffrini, Salvatore Di Nolfi)

I would like to invite you to the No Problem Saloon
It is just a place full of no problems
Put on your dancing shoes in the No Problem Saloon

Tel est le message du groupe OY qui invite à entre dans sa musique kaléidoscopique. Le groupe, basé à Berlin, se compose de la chanteuse-musicienne d’origine helvéto/ghanéenne Joy Frempong et du batteur et producteur Lleluja-ha. Le disque s’intitule donc No Problem Saloon et la chanson du jour My Name is Happy.


À n’en savoir que dire

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Regarder le monde, comme le sous-titre ce blougui. Et puis que dire ?

L’unique photographie du jour ne date pas d’hier ni de ce week-end. Elle a été prise le 22 janvier. Elle ne vient pas de Sicile ou de Lampedusa, mais de La Valette, à Malte.

Mais le drame qui se joue actuellement en Méditerranée ne date pas d’hier et ne concerne pas que les pays du sud de l’Europe. Ou ceux encore plus au sud, de l’autre côté de cette mer qui devient un vaste cimetière où sombre notre humanité.

Au moins 700 morts dans la nuit du samedi 18 à dimanche 19 avril 2015. Vingt-quatre heures plus tard, 400 à 450 naufragés… Combien de temps encore durera l’hécatombe ? Combien de désespérés entreprendront encore ce voyage insensé dans l’espoir d’une vie meilleure, d’une vie simplement ?

Hier soir, en regardant les images, en lisant les informations, les commentaires, je ne savais plus quoi dire, quoi penser.

Avec la tête qui est la mienne, où tout se télescope parfois à la vitesse de la lumière, j’ai pensé à l’assassinat de Kadhafi sans en mesurer les conséquences ni en assumer la suite, à mes amis africains* que l’Europe fait encore rêver, à cette Europe qui fait naufrage et qui paraît parfois flotter dans son époque comme pilotée par un Andreas Lubitz, qui avec ses 150 victimes représente une fraction des morts de la Méditerranée, aux impuissants qui nous gouvernent et nous renvoient à notre impuissance collective, aux terroristes animés d’une folie que je ne parviens ni à comprendre, ni à justifier, mais dont je perçois parfois les racines dans une violence plus insidieuse et plus ancienne, du mépris qui nous reste pour un continent pillé de ses richesses et encore colonisé, à toutes ces guerres alimentées par des appétits cyniques, à tous ces enfants pour lesquels il n’y aura pas de marche blanche et personne pour me dire “et si c’était tes gosses”, à notre indignation de janvier, si vite récupérée, et aux messages que je n’ai pas reçus me disant “ je suis … ”. Qui ?

À n’en savoir que dire… À en perdre la raison, comme le chantait ma mère au moment où elle devenait folle. Et comme je l’enviais hier d’avoir désormais perdu la mémoire du monde dans lequel il nous est donné de vivre.

Et je pouvais bien interrompre ce billet par une chanson, comme le faisait hier Le Figaro dans un de ces articles, coupé en son milieu par une publicité pour… Danone !

Ce billet que je ne sais conclure. Affligé des 10 mesures “d’urgence” décidées hier par le Conseil européen, où je discerne plus de contrôle que d’aide, et surtout aucune dénonciation des racines du mal.

“En tant qu’individus nous sommes souvent tentés d’être indifférents à la misère des autres. Nous sommes saturés de nouvelles et d’images bouleversantes qui nous racontent la souffrance humaine et nous sentons en même temps toute notre incapacité à intervenir. Que faire pour ne pas se laisser absorber par cette spirale de peur et d’impuissance ?”

Oui, que faire ?

Les mots qui précèdent sont extraits… du discours de Carême 2015 du pape François, que j’ai trouvé au hasard de mes lectures hier soir.

Alors, sans vraiment croire en la même chose ni avec la même conviction que cet homme respectable, j’en ai extrait la conclusion du jour, que j’ai juste à peine réécrite pour pouvoir me l’approprier :

“Nous pouvons aider par des gestes de charité, rejoignant aussi bien ceux qui sont proches que ceux qui sont loin […]. Pour montrer cet intérêt envers l’autre par un signe, même petit, mais concret, de notre participation à notre humanité commune.”

(photo : Darrin Zammit Lupi)

* Amis pour lesquels je suis sorti de mon silence ici, ajoutant pour eux cette note qui évitera à ce billet une censure pour “duplicate content”…

Et comme Ferrat ne suffisait pas à étancher ma soif de musique, je me suis offert quelques pas de danse avec les Songhoy Blues, exilés de Gao et de Tombouctou (où des imbéciles ont déclaré la musique illégale) et qui ont intitulé leur premier disque Music in exile.