Tout me manque

Article : Tout me manque
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6 mars 2014

Tout me manque

“J’aimerais rentrer à la maison…”

Lorsque je me rêvais écrivain, jadis, j’avais écrit une nouvelle qui se terminait par ces mots : “J’aimerais rentrer à la maison…” Je ne crois pas depuis être vraiment retourné chez moi, mais j’ai un toit, un lieu pour me retrouver avec moi même ou avec les autres, une chambre, une cuisine, un espace… Et les clefs dans ma poche qui me permettent d’y revenir et d’en empêcher l’accès à d’autres.

Je n’avais jamais pensé depuis ces mots de jadis à l’importance de ces clefs. Même lorsque j’étais arrivé en Palestine un jour de Nakba, où les Palestiniens défilent en brandissant les clefs de leurs maisons perdues, qu’ils ont été forcés d’abandonner quand ils ont été contraints à l’exil. Et si les migrants me touchent toujours, me renvoyant à la rudesse de la vie qui les a obligés au départ vers l’inconnu, vers le rêve d’une vie “meilleure”, je n’avais jamais rapproché ce long voyage de cette phrase : “J’aimerais rentrer à la maison…”

Jusqu’à croiser les images de Bradley Secker.

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Ce jeune citoyen européen, qui réside à Istanbul et arpente le monde pour le photographier, a entrepris une série d’images sur la Nakba syrienne après avoir croisé, à l’été 2013, un Syrien qui lui montrait les clefs de sa maison qu’il avait dû fuir à cause de la guerre. Depuis, il en a photographié plusieurs dizaines. Ou plutôt, juste leurs mains et les clefs qu’elles tiennent. Accompagnant chaque image de clef du nom et de l’âge de son propriétaire, de son lieu de résidence, du temps écoulé depuis qu’il a dû s’enfuir. Chacun a également défini sa maison d’un mot.

Dans leur simplicité, leur esthétique, leur sobriété, ces photos m’ont touché. Semblant soudain décrire mieux – ou tellement différemment – que les images de destruction, de blessés, de mort et de désolation, la souffrance, la tristesse, l’insupportable violence de l’impuissance face à l’horreur.

Cela aurait pu être une série du dimanche. Mais je ne voulais pas tarder à partager ces images avec vous. Pour partager l’émotion et vous appeler à participer au projet participatif de Bradley Secker qui cherche 1 400 € pour financer un livre à partir de la centaine de photographies qu’il a réalisées. Il a pour le moment atteint 70% de son objectif…

Je vous remets le lien si vous souhaitez l’accompagner.

Quant au titre du billet du jour, c’est l’évocation de sa maison par Rashed, le dernier de la série de photos que j’ai sélectionnées pour vous, et qui dit juste : “Tout me manque”. Moi auquel ne manque rien de matériel, qui mange à ma faim et dors dans un lit, me lave chaque matin sans souci d’alimentation en eau et m’habille de propre, j’ai aussi été ému de l’évocation de ce dénuement. La tristesse des autres ne console jamais de la sienne, mais oblige parfois à (ré) apprendre à goûter les joies élémentaires et les plaisirs simples d’une existence en paix.

Merci, à vous qui me lisez, de m’y aider.

(photos : Bradley Secker)

Home is where the heart is, dit un dicton.

Sofia Georgieva et Viktoriya Mancheva vivent à Londres d’où ils nous offrent une musique … bulgare. Leur groupe s’appelle Zemela qui signifie “terre”. C’était aussi le nom porté par la déesse thrace de la terre et de la fertilité.

J’aimerais vivre sur une terre que je rends fertile.

[youtube SiJKQ3y3O5I 600 338]

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Commentaires

Agbadje Adébayo B. Charles
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eh oui! Un titre bien évocateur. Bien malin qui pourrait d'ailleurs dire que rien ne lui manque. comme quoi nous sommes quelque part des Rashed potentiels. Mais comme vous le dites si bien, le manque cruel des autres ne console jamais du manque relatif que l'on éprouve soi même. j'aime