C’est comment ?

Article : C’est comment ?
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16 juin 2014

C’est comment ?

En me croisant à Abidjan, l’un de mes collègues blogueurs, que je ne dénoncerai pas pour ne pas lui couper la route d’une éventuelle prochaine qualification, m’a apostrophé en me disant : “On va pouvoir un peu ralentir le rythme de publication. On a eu ce qu’on voulait.”

dania-01C’est vrai d’une certaine manière. J’ai vraiment voulu aller en Afrique à l’invitation de Mondoblog et de RFI. Je ne savais pas ce que je voulais, ce que j’en attendais. Je disais en souriant avant mon départ que je faisais l’effort de n’en rien attendre pour ne pas être déçu. Je sais que je me mentais : on attend toujours quelque chose d’un rendez-vous. Même si l’on ne sait pas vraiment avec qui il nous est donné. Et puis ma peur de passer à côté, une nouvelle fois, de ma vie. De ne pas voir l’évidence, concentré sur autre chose. Comme dans l’histoire du curé, que je vous mets en lien (ici) pour ne pas surcharger davantage ce billet et ne pas sombrer encore dans la catégorie blog religieux…

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D’un autre côté, c’est faux. Je n’ai pas attendu Mondoblog, où j’ai publié plus de 180 billets avant mon départ pour Abidjan, pour écrire un billet quotidien. Sauf le dimanche depuis quelques temps. Il y a plus de 5 ans qu’existe abcdetc qui va tranquillement vers ses 2000 billets.

Pendant tout un temps, j’ai été abonné à la une de Mondoblog. J’en ai disparu.

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J’ai hésité à revenir sur le pourquoi. Une sombre histoire de contenus dupliqués entre mes deux hébergements – celui que je paye et celui ou m’accueille RFI – qui ne pose pas de vrais problèmes au dieu Google, mais embarrasse l’équipe Mondoblog. Qui ne s’est pas satisfait non plus de mes “à suivre” renvoyant sur abcdetc version originale. Et m’a “déréférencé” bien plus facilement que ne l’aurait pas fait le géant de Mountain View. Sans me proposer vraiment autre chose… J’attends toujours la réponse à mon dernier mail.

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Bref.

Je n’y reviendrai pas plus, pas plus que sur les déceptions de mon séjour à Bassam.

Parce que je sais que je suis allé là bas pour te rencontrer.

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Et que cela vaut toutes les reconnaissances, de mon talent ou de ma personnalité, par le monde ou par Mondoblog.

La nuit de samedi à dimanche, lorsque j’ai lu ta tristesse, j’ai eu triste à mon tour.

Hier matin, je t’ai longuement écrit. Tu m’as dit d’en faire un billet. J’ai passé toute la journée de dimanche à me demander comment. Et je n’ai pas su comment faire. Alors, je recopie ici ce message de tendresse, d’amitié, de présence.

Dania

Ma première pensée en me réveillant est allée vers toi, en me remémorant ton billet lu dans la nuit sur lequel j’avais été interpellé par le rétrolien… Jean-Robert Chauvin. Je n’aime pas quand tu m’appelles par mon nom, comme un signe d’éloignement. Et c’est vrai que nous sommes loin. Chacun dans notre pays. Avec l’impossibilité matérielle que j’aille te voir ce matin d’un coup de vélo ou de bus. En plus ma carte TCL ne marche plus, il faut que j’aille la refaire demain au terminus du métro.

Bref.

Quand je lis ta détresse, ta “déprime mémorable”, j’ai moi aussi le cœur qui saigne. Quand je réalise que j’ai laissé le silence pendant quelques jours, je me sens poisseux, indigne. Nous avons fait naître une belle amitié, de complicité comme de coups de gueule, et je l’ai dédaignée de ne pas savoir la vivre dans la distance. Pourquoi de ton côté n’as tu pas fait le signe qui aurait dit que tu avais besoin de mes mots, puisque c’est la seule chose que je peux te donner à distance…

Alors je me suis dit que j’allais t’écrire. Mais je ne sais trop quoi dire.

Je me suis un peu perdu sur Mondoblog avant de venir sur le mail. […] J’ai failli mettre un commentaire pour parler du Qatar ou de danse africaine, puis je me suis souvenu de ma promesse de t’écrire. Même si je n’ai pas grand chose d’autre à dire de moi que ma colère à fleur de peau, de ma frustration familière, de mon immobilisme chronique, de ma haine de moi qui se développe chaque jour, et me pourrit de l’intérieur. Une déprime pas mémorable, puisque chaque fois c’est de ses avatars dont je me souviens. Mais ça, c’est ma merde, ma façon d’être, mon incapacité à me réaliser…

Mais pas toi !

Comment puis-je t’atteindre ? Comment puis-je t’aider ?

Je repense à ce conseil que je te donnais là bas, de vivre à fond la paternité. J’ai eu des nouvelles de mon fils cette semaine, qui a brillamment soutenu son mémoire face à un jury qui l’a tellement félicité qu’il en était gêné. Quel plaisir de partager cette réussite. De me dire que, malgré l’échec de ma vie, j’ai transmis cette force là à mes enfants. Que j’ai réussi à transformer ce qui m’avait été légué de tellement négatif en un héritage positif dans la confiance que ma fille et mon fils ont en eux, dans les talents dont ils font preuve, chacun à son échelle. C’est peu et c’est énorme. […]

Tu as ton fils. Prends soin de lui comme de toi.

C’est une grande chance la paternité. Bien mieux que le paternalisme qui entretient le besoin de la dépendance de l’autre, comme cette “coopération” dans laquelle s’exerce encore trop souvent une certaine domination. Être père c’est l’expérience possible de l’amour absolu. Celui qui n’attend rien en retour. Celui qui donne avec Le Désir d’être inutile

Tu as ton fils. Tu as tellement d’autres choses.

Le talent bien sûr, l’énergie qui te manque aujourd’hui mais que tu as touchée, qui est en toi et qui reviendra. Et ton humanité. Humain, trop humain. C’est le titre d’un livre de Nietzsche, que je n’ai pas lu bien sûr, dans mon mélange d’incapacité et de paresse, d’approximation et de laisser aller… mais qui me parle juste dans cet intitulé. Dans ce monde où s’accélèrent les “progrès” technologiques, nous plongeant dans des réseaux de plus en plus denses, reliés à des particules en accélération permanente, nos places d’humains sensibles se réduisent parfois comme peaux de chagrin. Et je suis responsable de ce que j’ai aussi réduit le lien à toi, par mon silence, enfermé dans ma solitude urbaine, englué dans ma frustration professionnelle et la tentation de me fonctionnariser en service minimum, affligé du lent deuil de ma mère encore vivante mais emmurée dans sa folie, confronté à mon incapacité à écrire, oui même écrire. Parce que j’ai envie d’autre chose, de croire au bonheur, de tracer des mots de joie, à mettre en musique et à danser. Tu te souviens comme j’ai dansé à Bassam, avant de…

C’est un peu en vrac.

J’aurais eu envie de t’appeler ce matin pour parler, t’entendre, te consoler peut être, même si je trouve chaque fois dérisoire que le petit blanc chétif et maladroit que je suis puisse t’être d’un secours. C’est peut être ça aussi : tu impressionnes, sans donner l’impression de ta sensibilité intérieure. Même si dans ta façon d’être, vif, boudeur, grogneur, apostropheur, tendre… on décèle cette grandeur de la sensibilité.

Bon. Tu vois, je déparle un peu, dirait ma mère qui ne sait plus faire que ça.

L’essentiel que je voulais dire tient dans cette confidence : j’ai eu trois véritables amis dans ma vie. Le premier a terminé noyé dans l’alcool et hors d’atteinte. Le second s’est suicidé, il y aura 30 ans en novembre. Le troisième m’a trahi, dans les grandes largeurs. Trois amis en 52 ans, c’est peu.

Tu as raison. Nous avons tissé les premiers brins d’une amitié. Nous en avons effiloché la trame. Qu’inventons-nous aujourd’hui ? 

Je t’envoie une tendresse de dimanche matin. Je fumerais bien cette clope avec toi…

C’est comment ?

Sourire

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Je ne sais pas si je retrouverai la Une de Mondoblog. Mais cela n’a que peu d’importance. C’est toi Dania que je ne veux pas perdre !

Et j’espère aussi que le Cameroun va gagner…

Et puisque ce billet qui parle d’amitié est illustré de mes photos, je vous propose ce morceau de vidéo que j’ai réalisé de mon pote Hakim (le CD est pour bientôt, j’espère…). Écoute bien les paroles Dania !

[vimeo 98257609 600 338]

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Commentaires

DANIA EBONGUE
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Pas de mots, juste...Touché!
Merci JR, merci!

DEBELLAHI
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Rien à ajouter. Ce message est parvenu à Dania, mais aussi à tous ceux qui ont encore un "résidu" de cœur. Merci JR . Amitiés souriantes !

Julien
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wahouu, très touchant !

DANIA EBONGUE
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Je viens de relire ce billet, sur recommandation d'un autre blogueur de Mondoblog qui l'a publié sur Facebook et a invité tous les autres blogueurs à faire de même. Tu me manques trop! trop!

catherine
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Extrêmement touchant ! je partage sur Facebook et mets le lien sur twitter ainsi que sur mon blog dans la tristesse le réconfort c'est encore d'actualité ça ?